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Intro | Historique des marées noires | L'Erika et le naufrage | Les opérations de nettoyage et de lutte | Les dégâts écologiques | Les conséquences économiques

L'ERIKA ET LE NAUFRAGE

Du voyage de l'Erika à celui des nappes

Chapitre suivant : Les opérations de nettoyage et de lutte 

 

Qu'était l'Erika ?

En 1975, l'Erika, un pétrolier relativement ordinaire avec ses 37 000 tonnes pour 180 m de long, sort d'un chantier naval japonais. Des neuf navires de la série de l'Erika, huit naviguaient encore au moment du naufrage. Il faut savoir que la moitié de la flotte mondiale a plus de 19 ans, et ici, le scandale n'est pas l'âge du navire mais sa vétusté.

Caractéristiques de l'Erika

Longueur : 184 m
Largeur : 28 m
Tirant d'eau : 11 m
Masse (plein) : 37 000 tonnes
Vitesse : 15 nouds (30 km/h)
Propulsion : moteur SULZER 9 715 kW à 150 tr/min
Alimentation électrique : 2 alternateurs diesel 500 kW

Son passé est plutôt chaotique : trois nationalités, quatre société de classification, huit noms et autant de propriétaires, un nombre inconnu de « gestionnaires nautiques ». Au moment du naufrage, le propriétaire était l'armateur maltais TEVERE SHIPPING et la société de classification la firme italienne RINA.

Tout cela, qui est monnaie courante dans la navigation internationale actuelle, ne favorise pas la bonne conduite dans la durée de l'entretien et des réparations, ni une bonne connaissance du navire par ses derniers exploitants.

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...Un pétrolier en mauvais état

En effet, ce n'est malheureusement qu'après son naufrage que le BEA-mer révélera au public qu'il s'agissait en fait de ce que l'on peut appeler un « bateau-poubelle ». Déjà fragile de par sa structure à simple coque (qui fut, notons-le, très rapidement interdite aux Etats-Unis après le naufrage de l'Exxon Valdez), ce navire était rongé par la corrosion, avec ainsi des épaisseurs de tôle deux fois plus faible que la normale. De plus, des réparations effectuées notamment au Monténégro en 1998 ont doté l'Erika de soudures non conformes aux normes de sécurité et de plaques de tôle de mauvaise qualité, rendant ces réparations pire que le mal qu'elles soignaient. Enfin, afin de limiter les risques de pollution et d'augmenter la stabilité du navire, certains compartiments destinés à recevoir du pétrole étaient en fait remplis d'eau de mer (ballasts en position défensive), ce qui aggravait encore la corrosion. Le rapport du BEA-mer parle même d'un choix délibéré de manque d'entretien du pétrolier et annonce notamment que « l'état du navire et sa dégradation rapide dans les dernières heures ont été tels que rien ne permettait d'éviter la catastrophe ».

Et pourtant, ce navire avait été de nombreuses fois contrôlé au cours de sa vie. On compte pas moins de sept visites, dans le cadre des inspections préalables à l'affrètement, au cours de sa dernière année, et sept autres contrôles par des autorités portuaires depuis 1996. Tout les rapports faisaient état de nombreux problèmes de sécurité. En 1997 à Rotterdam, suite à une inspection par l'Etat du port, l'Erika est retenu pour cause de corrosion sur des cloisons. En 1998, les autorités norvégiennes signalent de la corrosion sur la coque, mais ne retiennent pas le bateau. Les derniers contrôles sont effectués par la RINA et par les autorités russes de Novorossisk le 12 novembre 1999.

En fait, malgré son état lamentable signalé par de nombreux rapports alarmants, l'Erika a toujours pu naviguer sans souci, et on en vient donc à mettre en cause le sérieux des autorités ayant effectué les contrôles et des sociétés attachées au navire, notamment  la RINA. Cette impression se renforce quand on apprend que cette société a mis un certain temps à fournir des détails techniques après le naufrage et tente de se mettre à l'abri en rejetant les responsabilités sur le capitaine. De plus, c'est encore la RINA qui a supervisé le chantier monténégrin dont les réparations sont mises en cause par le BEA-mer. Enfin, c'est également la RINA qui était chargée du contrôle de l'Ievoli Sun avant son naufrage un peu moins d'un an après celui de l'Erika.

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L'équipage

L'Erika accueillait à son bord 26 marins indiens, effectif normal pour ce type de navire, dont la compétence et l'expérience n'est pas à remettre en cause. Cependant, les compagnies maritimes ont recours à un système de « roulement » des équipages et à des sociétés de main d'ouvre extérieures, ce qui a pour conséquence une mauvaise connaissance du bateau par l'équipage. Mais au final, ni les marins et officiers, ni le capitaine ne sont mis en cause dans une quelconque erreur de navigation, ou mauvaise réaction face à la situation.

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Chronologie du dernier voyage

Le 8 décembre 1999, l'Erika appareille du port de Dunkerque, après avoir rempli ses cuves de 28 000 tonnes de fioul n°2. Il doit rejoindre Livourne en Italie afin, officiellement, d'alimenter une centrale thermique. Le 10 décembre, avant son passage dans le rail d'Ouessant (un des couloirs maritimes les plus empruntés au monde, au large du Finistère), l'équipage signale, comme la loi l'exige, sa présence au CROSSCorsen, ne signalant aucune difficulté particulière. Le temps est relativement agité : vent de force 7/8 (55 à 65 km/h), creux de 3 à 4 mètres.


Trajet de l'Erika avant son naufrage ( étoile rouge peu après le rail d'ouessant)
Source le Télégramme

Après avoir quitté le rail d'Ouessant, le navire entre dans une zone de très gros temps. Il affronte un vent sud-ouest de force 8/9 (plus de 80 km/h) et de la houle orientée ouest avec des creux de plus de 6 mètres. Le navire tangue fortement et des « paquets de mer » balayent le pont continuellement.


Remorquage de l'arrière de l'Erika par l'Abeille Flandre
Source
Marine nationale

Le 11 décembre, à partir de 12 h 40, le navire prend une gîte estimée à environ 15° par le capitaine. A 14 h 08, un premier message de détresse peu précis est envoyé au CROSS Etel. De plus, à partir de 13 h 40, des problèmes de fuite entre ballasts sont signalés. A 15 h cependant, le capitaine annonce au CROSS que tout est rentré dans l'ordre, et le confirme dans la soirée. A 20 h, le port de St Nazaire  refuse l'entrée à l'Erika, craignant une pollution de l'estuaire ; le navire est alors réorienté vers Donges. Sans demande d'assistance, un curieux message est envoyé au CROSS : « Il souffre mon bateau, il souffre... ».

 Le 12 décembre, à 6 h, après une nuit de tempête pendant laquelle des fissures de plus en plus importantes sont apparues, un SOS qui mobilise les secours est envoyé. Alors, entre 8 et 11 h, les 26 marins sont hélitreuillés par des Super Frelon, et sont tous sauvés bien qu'à 8 h 15 le navire se soit brisé en deux.

Le lundi 13 décembre, la partie avant du navire, après une longue dérive, coule à 90 km à l'ouest de Belle-île (Morbihan). A 16 h, la partie arrière, après avoir été remorquée pendant 24 heures par l'Abeille Flandre, afin d'éviter l'échouage sur Belle-Île, coule à 18 km au sud-est de la partie avant. Au cours du naufrage, entre 5 et 7 000 tonnes de fioul se sont échappées de l'Erika.

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Les nappes de pétrole et leur « voyage »

Aujourd'hui, la quantité totale de fioul déversée en mer, par l'Erika, pendant et après son naufrage est estimée à 20 000 tonnes, ce qui vaut à l'accident le classement d' « accident majeur » (déversement de plus de 7 000 tonnes). A la suite du naufrage, la première inquiétude est bien entendu l'éventuelle pollution des côtes par le pétrole issu de l'Erika. Cette crainte est largement nourrie par le souvenir de l'Amoco Cadiz échoué 20 ans plus tôt au nord de la Bretagne.


Nappe dérivante du pétrole de l'Erika
Source CEDRE

 

En France, le CEDRE est chargé d'informer les autorités de la dérive des nappes en mer, et l'aspect le plus problématique de cette tâche est de prévoir cette dérive. La dérive d'une nappe de pétrole se fait pourtant de manière très simple : elle se déplace à 100 % de la vitesse du courant de surface augmentée de 3 % de celle du vent. Mais ces deux derniers déplacements sont très difficiles à prévoir, particulièrement au niveau local. Trois modèles de prévision ont été utilisés, à partir du 12 décembre :
- un modèle britannique, Osis, le meilleur modèle commercial européen, dont le CEDRE possédait une licence,
- un modèle américain, Oilmap, le plus diffusé au monde, que TOTAL a fait mettre en ouvre,
- un modèle récent, celui de METEO-FRANCE, développé depuis 1996 sous l'égide du secrétariat général de la mer.

Par ailleurs, l'observation nécessaire à l'application de ces modèles était également problématique en raison des conditions climatiques de fin décembre 1999. En effet les différents satellites d'observation étaient rendus inefficaces, soit par l'agitation de la mer, soit par l'épaisse couche de nuages. Il fallut donc avoir recours à la solution la plus risquée, étant donné le temps : l'utilisation des avions.

Dès le 14 décembre, la comparaison des prévisions et des observations, a clairement fait apparaître que le modèle de METEO-FRANCE était le plus fiable.

Ce modèle prévoyait l'arrivée de la majorité du pétrole sur les côtes du Morbihan entre le 24 et le 27 décembre. Cette prévision fut malheureusement vite confirmée par les faits.

Cependant, l'arrivée des premières nappes, avec un jour d'avance, le 23 décembre sur la côte sud du Finistère, montra que ce modèle avait ses limites. En effet, cette arrivée n'était prévue ni à cette date, ni sur cette côte. Deux explications sont envisageables : d'une part, étant donné les mauvaises condition d'observation aériennes, des nappes ont été perdues de vues, puis retrouvées à plusieurs reprises et il est donc vraisemblable que certaines aient échappée à la vigilance des équipages aériens. D'autre part, il est également possible que l'Erika se soit mis à fuir avant de se briser en deux, créant ainsi des nappes sans que les autorités ne le sachent.

Il faut également ajouter que, si dans les premiers temps, trois grandes nappes étaient observables, le 16 décembre se formaient plusieurs nappes d'environ 100 m de diamètre. Le 21, le diamètre des nappes observées est passé à 20 m, et ainsi de suite. Donc, en plus des difficultés météorologiques, la multiplication du nombre de nappes, et la réduction conséquente de leur taille, qui alla même jusqu'à la formation de « boulettes » en mer, rendit l'observation encore plus difficile.

26 décembre : premières nappes de pétrole au Croisic (Loire Atlantique)

Source Marine nationale

Il faut également ajouter que, si dans les premiers temps, trois grandes nappes étaient observables, le 16 décembre se formaient plusieurs nappes d'environ 100 m de diamètre. Le 21, le diamètre des nappes observées est passé à 20 m, et ainsi de suite. Donc, en plus des difficultés météorologiques, la multiplication du nombre de nappes, et la réduction conséquente de leur taille, qui alla même jusqu'à la formation de « boulettes » en mer, rendit l'observation encore plus difficile.

Après ces premières arrivées sur les côtes bretonnes et vendéennes, d'autres leur succédèrent début janvier 2000, augmentant l'ampleur de la catastrophe. Les 7 et 8 février, une nouvelle tempête déposa sur les plages du pétrole issu des zones rocheuses, pas encore nettoyées à cette époque (ni aujourd'hui d'ailleurs pour certaines).


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Etat des lieux le 28 décembre

Source Marine nationale

Aujourd'hui encore, la menace n'est pas totalement écartée. En effet, notamment au large de Belle-Île, du pétrole mélangé à de l'eau de mer subsiste dans les fonds marins. Il est donc à craindre que, suite à une grande marée ou à une tempête importante, ces dépôts sous marins se déplacent et viennent polluer les côtes.

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